17sept. 2022

Test express du Fender Venice Soprano Ukulele Black

Je participerai dans quelques semaines à une vente aux enchères d'objets d'art amateur, au profit d'une association. J'ai alors dans l'idée d'utiliser un ukulélé comme support, afin de réaliser un collage (ou quoique ce soit d'un brin artistique), qui sera ensuite offert à l'asso IBBB, pour être proposé aux enchères d'un public largement conquis à une belle cause.

Aussi, afin de mener ce projet, j'ai acquis récemment (via un site de petites annonces), un Fender Venice Soprano Ukulele Black.
Mon choix s'est tourné vers ce modèle pour deux raisons pragmatiques :
- la marque apposée sur l'instrument parlera au plus grand nombre (contrairement aux égéries du monde du ukulélé, comme Kamaka ou Koaloha, qui restent certainement assez confidentielles pour le commun des mortels)
- le prix de ce produit, vraiment très raisonnable sur le marché de l'occasion ou du neuf déstocké.

Ayant entre les mains ce nouveau ukulélé pour quelques semaines, il aurait été dommage de ne pas le chroniquer. Vous trouverez donc dans ce billet une critique rapide, honnête et sans concession de ce petit soprano.

Fender Venice BLK, sept. 2022

Spécifications

- Table, fond et éclisses en tilleul laminé
- Manche en nato
- Touche en noyer
- Diapason de 13.6 pouces (34.5 cm)
- Tête inspirée des guitares Telecaster
- Mécaniques à écrou, ouvertes, avec boutons chromés
- 12 frettes
- Chevalet 'No-Tie' en bois dur (ressemblant à du noyer) avec sillet plastique
- Finition noire satinée
- Cordes en nylon clair

Conception, esthétique

Le Venice BLK, de la série California Coast Ukulele, est vraisemblablement le moins onéreux des ukes de la légendaire marque de guitare Fender. Annoncé à 65€ sur le site de la compagnie, on peut le trouver à une cinquantaine d'euros chez certains marchands en ligne.
A ce prix, peut-on vraiment retrouver la 'qualité Fender', un instrument qui tient la route ?

A part la tête typée Telecaster qui saute immédiatement aux yeux et donne un cachet vraiment spécifique, ce soprano présente un design très classique rappelant tout modèle entrée de gamme réalisé en Asie. Prenez un petit Stagg ou un Eagleton à prix voisin, et vous retrouverez un peu le même type de produit.

La caisse est intégralement composée en tilleul laminé, parée d'une finition noire satinée qui semble assez fragile (celui que j'ai acheté sur un site de petites annonces, vendu comme neuf, présente déjà des éclats laissant paraître le bois clair). Un binding crème sépare la table et les éclisses.

Le chevalet minimaliste, dont la forme me fait penser à une minuscule barre chocolatée, est assez réussi. Des entailles permettent d'insérer les cordes à sa base. Il suffit donc de faire un nœud classique aux bas de celles-ci lors d'un remplacement, ce qui est certainement plus aisé à réaliser pour les débutants que l'étape de nouage inhérente aux chevalets troués. Le sillet apposé sur ce chevalet 'No-Tie' est tout simple, en plastique, non compensé.

Corps du Fender Venice BLK, sept. 2022

Parée alors de ce mince chevalet et d'une bouche au diamètre également assez modeste, l'organisation de la table de ce soprano parait bien proportionnée, harmonieuse à l'œil.

Le manche associé à ce corps est réalisé nn nato et présente un profil en 'C', comme Commun et Confortable. Il se dote d'une touche en noyer de douze frettes ainsi que de quatre repères (en 5, 7, 10, 12), relayés par de petits points sur la tranche. Il est peint sur sa face arrière du même noir satiné que le reste de l'instrument, sur lequel le pouce glisse sans difficulté. La jonction manche-corps est décemment réalisée, bien que je note que la peinture de la table n'est pas parfaite à ce niveau. La touche se termine en une sorte de 'V' aplati, ce que je préfère à un tout droit, stricte voir peu élégant, que l'on rencontre sur beaucoup d'autres modèles.

La tête qui coiffe ce manche apporte la note différenciante de l'instrument : la classique forme 'banane' chère aux cultissimes Telecasters de la marque. Noire, ornée d'un beau logo Fender agrémenté de volutes, elle est vraiment chouette. Petite madeleine de Proust version Pop-Rock, elle me remémore d'agréables souvenirs musicaux. Toutefois, elle est peut-être un brin trop grande ici pour être en parfaite symbiose avec le gabarit menu d'un soprano. 

Tête du Fender Venice BLK, sept. 2022

Les mécaniques ouvertes ne gâchent en rien l'esthétique d'ensemble : avec leurs boutons chromés et écrous dorés, elles s'intègrent bien sur le dessus de la tête. En revanche, leur efficacité est assez discutable : la tenue de l'accordage est vraiment médiocre sur le modèle que j'ai entre les mains. Les cordes en nylon pourraient bien sûr expliquer une partie du problème.

Dans l'ensemble, ce ukulélé présente une configuration modeste mais sans fausse note majeure. Sa tête d'antologie apporte finalement l'élément différenciant, lui offrant un cachet tout particulier.

Finitions, cordes et réglages

J'avoue avoir été un peu déçu par le niveau de finition de ce soprano, qui n'est à mon sens pas complètement digne du logo doré apposé sur sa tête. Il n'y a pas de défaut évident sur les éléments visibles en extérieur, mais le tout parait globalement un peu chiche, comme assemblé et ajusté au plus rapide. En regardant à l'intérieur, ce n'est pas folichon : traces de colles, bavures de peinture, étiquette assez mal apposée...

Les cordes installées en standard ne sont pas formidables. Elles permettent bien sûr de jouer de manière assez satisfaisante et ne désservent pas completement le ukulélé, mais seraient à mon avis à remplacer rapidement. Sur un instrument de cette catégorie, des Aquila permettraient d'obtenir un toucher plus ferme et maitrisé, des sonorités plus neutres et agréables.

La hauteur des cordes pourrait être un petit peu abaissée, mais elle ne pose pas de vrai problème dans sa configuration d'usine. L'intonation est assez juste, mais étant donné que la tenue de l'accordage reste relativement médiocre, on joue régulièrement un peu faux sur ce Venice.

L'équilibre de l'instrument n'est pas parfait, il bascule légèrement vers l'arrière ainsi que vers la tête (ce qui n'est pas étonnant compte tenu des dimensions de celle-ci). Cela dit, vu les faibles poids et gabarit du petit Fender, ce point n'est pas perturbant lorsque l'on en joue.

Confort de jeu et qualité sonore

En jeu, une fois plaqué contre le torse, ce ukulélé se comporte de manière satisfaisante. Confort et accès du manche, gabarit et poids de l'instrument, rien ne m'a choqué ni dérangé (pas même l'équilibrage). En revanche, bien que j'aime la tête 'banane', je la trouve un peu imposante en phase de jeu. Vue du haut, elle parait presque aussi grosse que le reste du manche, me faisant un peu loucher en attirant le regard du fait de ses proportions.

Dans l'ensemble, le Venice Soprano ne se démarque ni par des qualités exceptionnelles, ni par des défauts honteux. Evoquons désormais le point le plus important : les sonorités qu'il produit, en rappelant que je partage ici un avis subjectif (mon opinion d'amateur, reflétant ma sensibilité, mes préférences et goûts propres).

Pour faire bref, je trouve les sonorités produites par ce Fender assez peu harmonieuses. Projection et sustain, sans être déments, ne sont pas ridicules. En revanche le timbre général de l'instrument m'a souvent dérangé : les accords et arpèges semblent manquer de richesse, de profondeur, de rondeur, les 'tchunks' sonnent ternes. J'ai eu parfois l'impression de manipuler quelque chose entre la cigar box et le banjo, et non un soprano.

C'est amusant, ce ukulélé me fait penser à l'album St Anger de Metallica, souvent décrié par les fans de gros rock. Les basses pâlottes et la caisse claire trop mat de cet opus malaimé ont toujours suscité en moi une sensation de gêne, que je retrouve un peu quand je joue à ce uke !

Le Venice est tout à fait jouable et même agréable à manipuler. Il pourrait eventuellement satisfaire des joueurs qui souhaitent s'initier au ukulélé, en espérant alors qu'ils aient une sensibilité auditive toute différente de la mienne. Je vous conseille donc vivement de tester physiquement cet instrument avant tout éventuel achat. Pour ma part, en boutique, je ne l'aurais pas garder en mains plus d'une minute avant de le reposer.

Equipement complémentaire

Sauf erreur de ma part, Fender ne fournit aucun accessoire avec ce ukulélé.
Housse et accordeur seraient donc - à minima - à prévoir.

Conclusion

Le Fender Venice Soprano Ukulele me semble être un instrument de tout début d'entrée de gamme, comparable à ce que peuvent présenter de nombreuses autres sociétés à l'aura moins prestigieuse. Sans cette sympathique 'banana head', on pourrait croire à un modèle générique d'un sous-traitant en Asie, qui aurait été orné d'une décalco dorée évoquant la marque mythique.

S'il ne présente pas de défaut rédhibitoire en termes de design et réalisation, l'instrument produit des sonorités qui ne m'ont pas satisfaites. J'ai alors pris assez peu de plaisir à jouer sur celui-ci.

Le conseillerais-je à un ami voulant se mettre au uke ? Ou pour l'offrir à son enfant ?
Non, sauf à un fan absolu de la marque, pour le côté 'collection'. En effet, dans la même gamme de prix, il y a sans doute mieux chez la concurrence.

D'autres modèles intéressants dans cette gamme de prix ?
Sans évoquer de modèle précis, à une cinquantaine d'euros on trouve des ukulélés à la finition comparable sinon meilleure, et aux sonorités plus chantantes chez Ortega, Kala, Lanikai, Luna, etc.

Nota:
Comme toujours, les éléments partagés dans ce billet ne représentent que mon avis subjectif, forgé d'ailleurs rapidement car je n'ai disposé de l'instrument que pendant quelques jours. J'invite aussi toute personne à essayer ce ukulélé pour se forger sa propre opinion sur celui-ci. N'hésitez pas à ensuite partager votre retour en commentaire.